L’informatique quantique s’apprête à redéfinir les fondations de la sécurité numérique. En menaçant certains algorithmes de chiffrement utilisés depuis des décennies, elle oblige les organisations à repenser dès aujourd’hui leur stratégie cryptographique.
Invisible mais omniprésente, la cryptographie est en effet au cœur de toutes les interactions numériques sécurisées. Du simple accès à un site en HTTPS jusqu’à la signature électronique d’un contrat, en passant par le chiffrement des communications internes d’une entreprise, elle structure notre monde numérique moderne.
Mais cette discipline, longtemps considérée comme un rempart absolu, fait aujourd’hui face à des défis majeurs : complexité croissante des systèmes, dépendance aux algorithmes standards, et surtout la transition vers une ère où la résilience face à l’informatique quantique deviendra incontournable.
Dans cette page, nous vous proposons un tour d’horizon clair, structuré et stratégique de la cryptographie :
- ses fondements techniques,
- ses usages en entreprise,
- les enjeux réglementaires,
- les risques posés par l’informatique quantique,
- les stratégies concrètes à mettre en œuvre dès aujourd’hui.

1. Les fondements essentiels de la cryptographie
Le chiffrement symétrique : la performance avant tout
Le chiffrement symétrique repose sur une clé unique partagée entre l’émetteur et le récepteur pour chiffrer et déchiffrer l’information.
Pourquoi c’est important :
- Rapide et efficace, il est idéal pour traiter de gros volumes de données (sauvegardes, disques durs, flux réseau en temps réel).
- Peu gourmand en ressources, il s’intègre bien dans les systèmes embarqués ou les applications mobiles.
- Limite critique : la gestion de la clé est sensible. Si la clé est interceptée ou compromise, l’ensemble du système est exposé.
Algorithme de référence : AES (Advanced Encryption Standard), utilisé dans les normes ISO et par l’État français via l’ANSSI.

Le chiffrement asymétrique : la confiance distribuée
Contrairement au modèle symétrique, le chiffrement asymétrique repose sur une paire de clés :
- Une clé publique, librement distribuée,
- Une clé privée, strictement conservée par son propriétaire.

Pourquoi c’est incontournable :
- Permet l’échange sécurisé d’informations sans échange préalable de clé (ex. : SSL/TLS sur le web).
- Supporte la signature numérique : authentification de l’émetteur, horodatage, non-répudiation.
- Plus lent et plus lourd, il est souvent combiné au chiffrement symétrique pour les flux (modèle hybride).
Algorithmes majeurs : RSA (le plus connu), ECC (plus léger, plus récent).
Les fonctions de hachage : garantir l’intégrité
Une fonction de hachage transforme une donnée (texte, fichier, identifiant) en une empreinte numérique unique. Elle est non réversible et doit résister aux collisions (trouver deux messages avec la même empreinte).
Cas d’usage concrets :
- Vérifier qu’un document ou un fichier n’a pas été modifié (intégrité).
- Stocker de manière sécurisée les mots de passe (hachage + sel).
- Construire les blocs de la blockchain, où chaque bloc dépend du précédent.
Référence : SHA-2, adopté par l’ensemble des systèmes sécurisés modernes.

2. La cryptographie dans la vie des entreprises
Sécuriser les communications
Les échanges numériques quotidiens utilisent de la cryptographie, souvent en toute transparence :
- Messageries professionnelles sécurisées (Signal, Threema, Matrix) qui assurent un chiffrement de bout en bout.
- Protocoles HTTPS/TLS protégeant les données envoyées via les navigateurs web.
- VPN d’entreprise, combinant chiffrement et encapsulation pour relier les collaborateurs à distance de façon fiable.
En entreprise, le chiffrement des emails sensibles est également une bonne pratique encore trop sous-estimée.
Protéger les données au repos

Les données « au repos » (fichiers, bases, disques) peuvent être compromises même sans cyberattaque active.
- Chiffrement des bases de données avec des clés de session renouvelées régulièrement (MySQL, PostgreSQL, MongoDB…).
- Disques durs chiffrés : BitLocker, FileVault, VeraCrypt pour protéger contre le vol physique.
- ☁️ Cloud providers comme AWS KMS, Azure Key Vault ou GCP, qui intègrent la gestion de clés et la conformité aux normes (ISO/IEC 27001, HDS…).
Identifier, signer, authentifier
- Signature électronique conforme au règlement eIDAS pour garantir la valeur légale d’un contrat numérique.
- Authentification forte (2FA/MFA) via certificats numériques ou tokens hardware (Yubikey, carte à puce).
- Intégration dans des solutions de SSO (Single Sign-On) avec des jetons chiffrés comme OAuth2, SAML.
3. Cryptographie, cybersécurité et réglementation
Un outil de souveraineté numérique
Les États ont compris depuis longtemps l’enjeu stratégique de la cryptographie :
- 🇫🇷 L’ANSSI publie régulièrement des guides sur les algorithmes de confiance.
- 🇪🇺 L’Union européenne promeut l’interopérabilité et l’indépendance via eIDAS, NIS2 et la stratégie numérique européenne.
- 🇺🇸 Le NIST fixe les standards mondiaux, mais avec des implications géopolitiques fortes.
Réglementations majeures
4. La menace quantique : l’avenir se joue maintenant
Pourquoi l’ordinateur quantique menace les algorithmes classiques
- Le logarithme de Shor pourrait casser RSA, DSA, ECC… en quelques minutes.
- L’algorithme de Grover, quant à lui, accélère la recherche de collision dans les fonctions de hachage.
Cela signifie que des données chiffrées aujourd’hui pourraient être déchiffrées dans 10 à 15 ans, si elles ont une longue durée de vie (archives, documents juridiques, données de santé…).
La cryptographie post-quantique : un chantier critique
- Le NIST a publié ses premiers standards post-quantiques en 2022 (ex. : Kyber, Dilithium).
- Les entreprises doivent adopter des solutions cryptographiques agiles, capables de basculer vers d’autres algorithmes.
- Les géants du numérique comme Google ou Cloudflare testent déjà des protocoles hybrides (classique + post-quantique).
5. Comment anticiper en entreprise ?
Voici les actions prioritaires à mettre en place dès aujourd’hui :
- Auditer son patrimoine cryptographique (SSL, email, base de données, API).
- Cartographier les données sensibles selon leur durée de vie : certaines doivent être chiffrées avec des solutions déjà résistantes au quantique.
- Sensibiliser les équipes : beaucoup ignorent encore les bases de la gestion de clé ou des risques d’algorithmes obsolètes.
- Mettre en place une gouvernance cryptographique incluant les DSI, RSSI, responsables conformité.

Tableau comparatif – Technologies cryptographiques
Type | Principe de base | Avantage principal | Risque ou limitation |
Symétrique (AES) | Une seule clé partagée | Très rapide, idéal pour le chiffrement massif | Distribution de la clé |
Asymétrique (RSA, ECC) | Deux clés : publique + privée | Pas d’échange de clé préalable nécessaire | Lenteur, vulnérabilité future au quantique |
Hachage (SHA-256) | Empreinte unique et non réversible | Intégrité assurée, rapide | Faiblesses théoriques à long terme |
Post-quantique (Kyber) | Résiste aux calculs quantiques | Pérennité des systèmes, agilité future | Normes encore en évolution |
En résumé
La cryptographie n’est plus un luxe, c’est une nécessité stratégique. Elle permet de construire un numérique de confiance, mais nécessite une mise à jour permanente face aux nouvelles menaces. Avec l’arrivée du quantique, le temps est venu d’agir, pas d’attendre.
Antares.fr accompagne ses clients dans l’analyse, la transition et la sécurisation de leurs systèmes numériques. Parce que protéger les données, c’est aussi protéger la valeur.